Les Belvédères du Pont 2019
un regard en mouvement sur le quartier de Pont d'Aubenas
Avec : Jean-Marie, Claire, Lise, Nathalie & Madido, Edgar, Nina,
Capucine, Samuel, Charlie, Elwan,Fabienne, Marie-Noëlle, Marie.
Captation vidéo et montage : Jérôme Gouin / La Maison de l'Image
Création et accompagnement sonore : Juliet Cuer
Photographie : Lisa Boniface / Chorégraphie : Anlor Gueudret
En collaboration avec le Centre Social au Fil de l'Eau
DISPOSITIF VIDEO - Une multiplication des points de vue pour traduire un nouveau regard
La question du mouvement est dans l’ADN du projet des Belvédères : avec le travail chorégraphique des habitants, il était naturel que les postures se mettent à bouger, que les corps se déplacent et que l’image fixe s’anime.
En visitant leur propre quartier, les habitants ont été mus par le désir de poser un nouveau regard sur leur cadre de vie, s’approprier les lieux ainsi redécouverts et les investir comme espaces scénographiques. Le changement de point de vue ainsi opéré, nourri par l’exercice d’une observation attentive et novice, a procédé chez eux comme un morcellement de la vision : leurs yeux se sont arrêtés ici et là, accrochés par la forme d’une pierre, interpelés par un détail coloré ou par la fuite d’une perspective inattendue. Cette succession d’éléments visuels remarquables a guidé leur trajectoire et mis en éveil leurs cinq sens. Elle les a conduits à se laisser porter par leurs sensations nouvelles et éclatées.
Cette expérience sensorielle a produit en eux une forme de décomposition de leurs représentations. Tenter de restituer ces sensations a abouti à la recherche d’un dispositif de prise de vue multiple. Trois procédés ont ainsi été utilisés :
- le plan large : fixe et reprenant le cadre des photos réalisées lors des étapes antérieures du projet, il fait le lien entre l’image fixe et l’image animée. C’est un point de vue qui permet de contextualiser la scénographie et de tracer la trajectoire des habitants dans l’espace qu’ils ont choisi.
- la caméra portée : elle suit les habitants comme leur ombre, imitant intimement leur trajectoires et leurs regards tout en les incluant dans l’image, laissant apparaître les expressions de leurs visages et partageant au plus près leurs émotions.
- la tablette : légère et facile à utiliser, elle se substitue aux yeux des habitants. Ce sont eux qui l’ont manipulée afin de restituer fidèlement leur regard. Performante pour filmer les détails, son image imprime les aspérités des matières et les effets de lumière que les habitants ont choisi de souligner.
Ainsi les participants se sont livrés trois fois de suite à leur scénographie pour se prêter au jeu de cette multiplicité des points de vue. Avec les trois dispositifs, leur prestation a été filmée intégralement et sans interruption, à la manière d’une représentation sur scène, donnant tout son sens à la notion de performance chorégraphique.
Ce triple dispositif de captation en plan séquence était voué à être éclaté. Donner à voir le fractionnement du regard et l’aspect multi sensoriel de l’expérience passerait par le choix d’une restitution sous forme de mosaïque d’images. Une installation vidéo de quatre écrans diffuserait en simultané des fragments des expériences scénographiques des habitants, laissant la beauté du hasard pénétrer le regard des spectateurs. Ceux-ci seront à leur tour soumis à la pluralité des regards, et à leur manière reconstitueront le puzzle de ces espaces montrés sous de nouveaux jours. Attiré par tel écran plutôt qu’un autre, interpellé par un mouvement ou par une texture d’image, chacun laissera sa subjectivité guider ses yeux.
Et comme parfois l’on ferme les yeux pour mieux écouter, les visiteurs seront invités à mieux regarder dans le silence. La bande sonore disparaitra avec discrétion pour laisser le visuel jouer une partition subjective et construire des images mentales libres et personnelles.
Au coeur de cette restitution, les participants partageront leur expérience du quartier avec poésie, plaisir et bienveillance. C’est probablement leurs regards qui constituent le patrimoine le plus précieux de Pont d’Aubenas.
Jérôme Gouin, vidéaste
EXPLORATION SONORE - Une expérience de la lenteur au milieu de l’agitation ambiante
Chaque habitant est invité à se positionner physiquement devant l’un des belvédères, à fermer les yeux, et à découvrir la partition sonore éphémère du lieu choisi. Il ou elle restitue ensuite oralement cette partition, en décrivant le paysage sonore qu’il ou elle a entendu, dans son épaisseur et sa densité : Quel son est proche ? Lointain ? Continu ? Discontinu ?
Puis, muni d’un casque audio et de son propre micro et matériel d’enregistrement, le participant s’essaye à « cadrer » sur les sons de son choix pour créer des « photos sonores » correspondant à des sortes de zoom au sein de son belvédère, auxquelles il donne un titre.
Une fois passée la première expérience, souvent marquante voire perturbante, de l’écoute du paysage sonore à travers l’oreille macroscopique du casque et du micro (une enfant a baptisé ce matériel sonore « microscope à son »), chacun a ôté son casque pour redécouvrir à oreille nue les sons qui l’entourent, en étant attentif à ce que cela changeait : Est-ce qu’on entend mieux après l’expérience qu’avant ? Est-ce qu’on a une écoute sélective comme on a un regard sélectif sur ce qui nous entoure ? Quels sont les sons auxquels on ne fait plus attention, soit parce qu’ils nous dérangent, soit parce qu’on ne prend plus le temps au quotidien de les savourer ?
Juliet Cuer, créatrice sonore
REGARD PHOTOGRAPHIQUE - le regard comme déclencheur du mouvement
Pour cette deuxième saison des belvédères, l’instant photographique est considéré comme une base à la construction du scénario qui servira aux séquences filmées.
Le regard est le déclencheur du mouvement. Dans un premier temps, les participants regardent le belvédère à travers le grand cadre en bois. De là, ils choisissent un endroit (un détail, une lumière, une feuille, une pierre…) qui les attirent puis s’y déplacent. De ce nouvel endroit, ils observent leur nouveau point de vue et choisissent un nouveau lieu qui les attirent puis s’y déplacent. A chaque nouveau point de vue, ils prennent en photo ce qui les amené jusqu’ici. Le défi est de capter avec l’appareil photo ce qui a été vu à l’œil nu ou à travers un cadre vide. C’est moment où les personnes définissent le cadre de la photo, ce qui est net, ce qui est flou, les éléments qui sont dans le cadre et hors cadre, plan large ou gros plan...
Au fur et à mesure des ateliers et rencontres, l’envie est venue d’aller un peu plus loin dans le regard photographique, et ainsi préciser les intentions de ce regard. Le point de départ reste le belvédère avec son cadre en bois. La personne regarde ce point de vue. La personne va ouvrir et fermer les yeux avec à chaque fois une nouvelle intention donnée. Voir selon les couleurs de ce paysage, selon les formes, selon les lumières ou les ombres. Voir le premier plan, le second plan…Après ce temps d’observation, la personne choisit un endroit où il est possible qu’elle se déplace…et on reprend le regard comme déclencheur du mouvement.
Lisa Boniface, photographe
CHEMINEMENT CHOREGRAPHIQUE - partition dansée à l’intérieur des Belvédères
L’écriture chorégraphique suit les déplacements du regard photographique.
Positionné derrière le cadre du belvédère, immobile, l’habitant est tout d’abord invité à «voyager» à travers avec ses yeux, à englober le paysage avec son regard. Sans se déplacer, il choisit un point fixe, «zoome», puis zoome encore...comme si ce point fixe s’approchait, ou qu’il s’en approchait lui-même. Puis à s’en éloigner. Choisir un autre point. Puis un autre. D’un point à l’autre, faire varier les cheminements de l’oeil : lentement ou rapidement, en ligne droite ou courbe, comme une course ou une balade. De temps en temps, fermer les yeux pour trouver du repos, puis repartir dans cette balade de l’oeil. Finalement, regarder de nouveau l’ensemble du paysage et s’imaginer à l’intérieur. Précisément : à quel endroit et dans quelle position ? Comme un peintre, choisir cette posture selon des termes graphiques de couleur, de formes, d’équilibre et d’harmonie des lignes...
Ce préalable constitue «l’échauffement» avant de se mouvoir réellement de l’autre côté du cadre : rentrer dans le belvédère. Il s’agit là encore de tracer un chemin d’un point à l’autre, en conscience de la vitesse et du trajet (en courbe ou en ligne). Choisir l’endroit où l’on va car c’est de là, exactement ,que l’on voulait observer un nouveau point de vue. S’y arrêter et de nouveau effectuer, comme tout à l’heure derrière le cadre, une chorégraphie de l’oeil. Ainsi s’écrit une partition dansée dans l’espace, faite de déplacements et d’arrêts, chaque fois motivés par le regard. Cette exploration est répétée plusieurs fois, non pas «récitée» mais revécue, au plus proche des sensations initiales. Cette partition du corps en mouvement à l’intérieur du belvédère servira de «story-board» pour le tournage vidéo.
Anlor Gueudret, chorégraphe
Ce projet a été réalisé en partenariat avec le Centre Social Au Fil de l'Eau.
En 2018 et 2019, le projet Belvédères a été financé par l’Etat (CGET), le Département de l’Ardèche, la ville d’Aubenas et la Communauté de Communes du Bassin d'Aubenas dans le cadre du Contrat de ville, ainsi que la Région Auvergne-Rhône-Alpes (FIACRE) et la SPEDIDAM.
*« LA SPEDIDAM est une société de perception et de distribution qui gère les droits des artistes interprètes en matière d’enregistrement, de diffusion et de réutilisation des prestations enregistrées ».